La technologie prend une part essentielle dans le roller skating de vitesse. Pour aller plus vite, la qualité des roues et des roulements semble primordiale par exemple. Depuis une dizaine années, avec l'arrivée du patin en ligne, les innovation apparaissent encore plus flagrantes. Mais avant d’en venir là, il aura tout de même fallu deux siècles et demi d’innovations…
La date est attestée : c’est en 1760 que le Belge Jean-Jacques Merlin, alors expatrié à Londres, installe des roues à la place d’une lame sous ses chaussures de patin. Des patins… en ligne donc ! Mais pour lors, ils ne se composent que de deux roues sous chaque chaussure. Pendant un siècle ensuite, de nombreux innovateurs ont essayé d’améliorer l’invention lancée par Merlin. En 1819, le Français Petitbled aligne trois roues et son patin connaît un formidable succès sur les grands boulevards parisiens. Quatre ans plus tard, l’Anglais R. J. Tyer met au point un patin très perfectionné avec cinq roues en ligne. Ca ne vous rappelle rien ? En ce début de XIXème siècle, les roues sont en bois, en métal ou, plus précieux, en ivoire.
L’histoire aurait pu évoluer plus rapidement pour ces premiers patins en ligne. Mais elle a en fait connu une période d’éclipse. Car l’Américain Plimpton a mis au point en 1863 un patin composé de deux paire de deux roues – ce que l’on appellera par la suite le quad et que Plimpton nomme le « Rocking skate » – promis à une belle réussite. Monté sur deux axes mobiles, chacun des deux patins permettait de négocier au mieux les virages. Son best seller a fait un tabac aux Etats-Unis d’abord, et à partir des années 1870 en Europe. Le roller devient alors un passe temps respectable : on patine dans le nombreux rinks (il existait une soixantaine de patinoires à Londres, pas moins, et sept tout de même à Paris), on participe à des bals sur patins mais également à des compétitions entre gentlemen à Newport ou à Rhode Island. Le public est conquis et veut à son tour essayer. Aux Etats-Unis, la presse relaie le mouvement et le sport devient « a mania with both old and young » (in Franck Leslie’s Illustrated Newspaper).
Le Rocking skate entre donc aussi, et surtout, dans le panel des sports à la mode à la fin du XIXème siècle et jusqu’à la Belle Epoque. Les roulements à billes sont mis au point par un autre Américain, Richardson, et les productions en série commencent. Une véritable industrie s’établie, vite relayée et soutenue par des compétitions, organisées sur le continent Nord américain et en Europe du Nord. Les champions de l’époque se nomment Harley Davidson (!), Rodney Peters ou Roland Cioni chez les anglo-saxons et Freddy Barque en France. Habillés de larges shorts de boxeurs, de chaussettes hautes et de maillots en laine, cheveux tirés en arrière par de la gomina, ils se confrontent sur toutes les distances possibles, du demi mile aux 24 heures. C’est le premier « âge d’or » du patin à roulettes, avec ses professionnels et ses tournées mondiales (qui se cantonnent cependant principalement aux pays précités…). Ils soutiennent les ventes de patins et véhiculent une image tout comme nos champions actuels : Cioni attire par exemple les journalistes et le public à chacune de ses apparitions au Madison Square Garden de New York tandis que Peters se reconvertit en businessman en ouvrant, dans les année 1910-1920, de nombreux skate rinks à Saint-Louis.
L’engouement pour le patin à roulettes retombe après le Seconde Guerre Mondiale. D’autres sports s’imposent et monopolisent la place. De nouvelles innovations continuent cependant de ponctuer une évolution régulière. Dans les années 1970, le stock de roues en polyuréthane provenant de l’industrie du skate board est trop important : les fabricants américains ont alors l’idée d’adapter ces roues beaucoup plus souples, moins abrasives et avec plus de rebond au patin à roulettes (les athlètes roulaient auparavant essentiellement avec des roues en bois ou en fer en salle ou sur piste, et des roues en plastique sur route). Mais le roller véhicule pour lors une image plus « fun » que sportive, liée au mode de vie urbain. Toutefois, les compétitions, bien que plus anonymes, rassemblent toujours une foule d’initiés, surtout dans les salles aux Etats-Unis ou en Angleterre, et, a contrario, à l’extérieur dans les autres pays européens.
Le sport a connu il y a une vingtaine d’années sa dernière « révolution. » Dès 1979, Scott Olson, un hockeyeur sur glace de Minneapolis, (ré)invente un patin qui pourrait lui permettre de continuer à s’entraîner durant l’été, avec des roues alignées à la place de ses lames de glace… L’histoire rebondit. Associé à Bernnan-Olsen, ils créent au début des années quatre-vingt le roller moderne, tel que nous le connaissons aujourd’hui, composé de cinq roues alignées : le roller blade (traduction littérale). Roces, la marque italienne, décide de se lancer dans la commercialisation de ce produit. Olson et Bob Naegele Jr fondent ensuite en 1984 la société Rollerblade, qui soutient la vente du roller inline. Celui-ci touche d’abord le grand pubic vers 1989-1990 avant de s’imposer aux compétiteurs les années suivantes.
Les premiers à utiliser et à maîtriser « l’engin » parfaitement, ce sont les Néerlandais. Passer du patin à glace au patin en ligne ne leur pose que peu de problèmes et ils « écrasent » les championnats internationaux au début des années 1990. « Nous étions tous littéralement impuissants aux championnats du monde 1993, se souvient le champion américain Dante Muse. Mais l’année suivante, nous avions repris le dessus ! » Au début de cette nouvelle aventure en ligne, les patineurs utilisaient des roues de 76mm de diamètre. Ils sont ensuite passés au 78 vers 1996, puis au 80 en 98 et au 84 en 2002, et ont remisé leurs roulements traditionnels dérivés du modèle de Richardson pour des minis roulements. L’histoire n’est pas finie puisque les roues de 100mm pointent le bout de leur gomme… Mais ce bref retour en arrière montre combien un sport peut dépendre de l’engagement de ses athlètes d’une part et de l’industrie qu’il génère d’autre part. Sans innovation et sans invention, pas d’évolution. Or, le roller skating de vitesse a besoin d’aller toujours plus vite !
Vincent Esnault.